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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/47

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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


le corps gêne et qui peut survivre au corps. — Cette âme immortelle engagée dans la chair a pour voix la conscience. « Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature. » — À côté de l’amour-propre, par lequel nous subordonnons le tout à nous-mêmes, il y a l’amour de l’ordre, par lequel nous nous subordonnons au tout. À côté de l’égoïsme, par lequel l’homme cherche son bonheur même aux dépens des autres, il y a la sympathie, par laquelle il cherche le bonheur des autres même aux dépens du sien. La jouissance personnelle ne lui suffit pas ; il lui faut encore la paix de la conscience et les effusions du cœur. — Voilà l’homme tel que Dieu l’a fait et l’a voulu ; il n’y a point de défaut dans sa structure. Les pièces inférieures y servent comme les supérieures ; toutes sont nécessaires, proportionnées, en place, non seulement le cœur, la conscience, la raison et les facultés par lesquelles nous surpassons les brutes, mais encore les inclinations qui nous sont communes avec l’animal, l’instinct de conservation et de défense, le besoin de mouvement physique, l’appétit du sexe, et le reste des impulsions primitives, telles qu’on les constate dans l’enfant, dans le sauvage, dans l’homme inculte[1]. Aucune d’elles, prise en soi, n’est vicieuse ou nuisible. Aucune d’elles n’est trop forte, même l’amour de soi.

  1. Émile, livre I, et Lettre à M. de Beaumont, passim.


  anc. rég. ii.
T. II. — 3