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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/89

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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


la sincérité. « Si quelqu’un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu’il soit puni de mort ; il a commis le plus grand des crimes : il a menti devant les lois. » — Je le disais bien, nous sommes au couvent.

V

Tous ces articles sont des suites forcées du contrat social. Du moment où, entrant dans un corps, je ne réserve rien de moi-même, je renonce par cela seul à mes biens, à mes enfants, à mon Église, à mes opinions. Je cesse d’être propriétaire, père, chrétien, philosophe. C’est l’État qui se substitue à moi dans toutes ces fonctions. À la place de ma volonté, il y a désormais la volonté publique, c’est-à-dire, en théorie, l’arbitraire changeant de la majorité comptée par têtes, en fait, l’arbitraire rigide de l’assemblée, de la faction, de l’individu qui détient le pouvoir public. — Sur ce principe, l’infatuation débordera hors de toutes limites. Dès la première année, Grégoire dira à la tribune de l’Assemblée constituante : « Nous pourrions, si nous le voulions, changer la religion, mais nous ne le voulons pas. » Un peu plus tard, on le voudra, on le fera, on établira celle d’Holbach, puis celle de Rousseau, et l’on osera bien davantage. Au nom de la raison que l’État seul représente et interprète, on entreprendra de défaire et de refaire, conformément à la raison et à la seule raison, tous les usages, les fêtes, les cérémonies, les costumes,