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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/124

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LA RÉVOLUTION


lutionnaire compte sur les confiscations qu’il provoque en France et qu’il va instituer en Belgique : voilà toute son invention, le vol systématique pratiqué en grand, à l’intérieur et à l’étranger. — En fait de législateurs et de fabricants de constitutions, on trouve Condorcet, fanatique à froid, niveleur par système, persuadé que la méthode des mathématiques convient aux sciences sociales, nourri d’abstractions, aveuglé par ses formules, le plus chimérique des esprits faux. Jamais homme plus versé dans les livres n’a moins connu les hommes ; jamais amateur de l’exactitude scientifique n’a mieux réussi à dénaturer le caractère des faits. C’est lui qui, deux jours avant le 20 juin, au milieu de la plus brutale effervescence, admirait « le calme » et le bon raisonnement de la multitude : « À la façon dont le peuple se rend compte des événements, on serait tenté de croire qu’il consacre chaque jour quelques heures à L’étude de l’analyse ». C’est lui qui, deux jours après le 20 juin, célébrait le bonnet rouge dont on avait affublé Louis XVI : « Cette couronne en vaut bien une autre, et Marc Aurèle ne l’eût pas dédaignée[1] ». — Tel est le

    que de désorganiser tous ses voisins pour les mettre au même point d’anarchie. » (Cette conversation de Cambon et de Dumouriez est du milieu de janvier 1793.) — Moniteur, XIV, 758 ; séance du 15 décembre 1792. Rapport de Cambon.

  1. Chronique de Paris, no du 4 septembre 1792 : « Malheureuse et terrible situation, que celle où le caractère d’un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances ! » — Cf. La très pénétrante étude de Sainte-Beuve sur Condorcet, Causeries du Lundi, III, 245. — Hua (collègue de Condorcet à la Législative), Mémoires, 89 : « Dans son journal, Condorcet mentait périodiquement avec une