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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/186

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LA RÉVOLUTION


le portefaix de la halle, le compagnon qui loge en garni, le citoyen passif que sa pauvreté exclut du vote, aura sa pique et, en ce temps d’insurrections, un bulletin de vote ne vaut pas une bonne pique maniée par des bras nus. — À présent, le magistrat en écharpe peut préparer toutes les sommations qu’il voudra : on les lui fera rentrer dans la gorge, et, de peur qu’il n’en ignore, on l’avertit d’avance. « Les piques ont commencé la révolution ; les piques l’achèveront[1]. » — « Ah ! disent les habitués du jardin des Tuileries, si les bons patriotes du Champ de Mars en avaient eu de pareilles, les habits bleus (les gardes de La Fayette) n’auraient pas eu si beau jeu ! », — « On les portera partout où seront les ennemis du peuple, au Château s’ils y sont. » Elles feront tomber le veto et passer les bons décrets de l’Assemblée nationale. À cet effet, le faubourg Saint-Antoine offre les siennes, et, pour bien en marquer l’emploi, il se plaint de ce que « l’on cherche à substituer l’aristocratie de la richesse au pouvoir de la naissance » ; il réclame « des mesures sévères contre les scélérats hypocrites qui égorgent le peuple, la Constitution à la main » ; il déclare que « les rois, les ministres et la liste civile passeront, mais que les droits

  1. Buchez et Roux, XIII, 217. Proposition d’une citoyenne au club de l’Évêché, 31 janvier 1792. — Articles de la Gazette universelle, 11 février, « et du Patriote français, 13 février. — Moniteur, XI, 576, séance du 6 mars. — Buchez et Roux, XV, séance du 10 juin. Pétition de 8000 gardes nationaux de Paris : « Cette faction qui provoque les vengeances populaires,… qui cherche à opposer le bonnet du travail aux casques militaires, les piques aux fusils, l’habit de campagne aux uniformes… »