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LA RÉVOLUTION

Cependant les heures s’écoulent, et, dans une foule aigrie par l’attente, ce sont toujours les plus impatients, les plus rudes, les plus enclins aux voies de fait, qui mènent les autres. — Au quartier général du Val-de-Grâce[1], les hommes à piques se jettent sur les canons et les entraînent ; les gardes nationaux laissent faire ; les chefs, Saint-Prix et Leclerc, menacés de mort, n’ont plus qu’à suivre en protestant. — Même spectacle dans la section de Montreuil ; la résistance de quatre commandants de bataillon sur six n’a servi qu’à remettre l’autorité plénière à l’instigateur de l’émeute, et désormais Santerre est le seul chef de l’attroupement. — Vers onze heures et demie, il sort de sa brasserie, et, suivi des canons, du drapeau, du char qui porte le peuplier, il se met en tête du cortège, qui est de « quinze cents personnes » à peu près, « en comprenant les curieux[2] » ; mais la troupe, dans sa marche, grossit comme une boule de neige, et, en arrivant devant l’Assemblée nationale, il a derrière lui sept à huit mille personnes[3]. — Sur la motion de Guadet et de

  1. Rapport de Saint-Prix, commandant du bataillon du Val-de-Grâce (10 heures du matin). — Rapport d’Alexandre, commandant du bataillon Saint-Marcel : « Il s’en faut de beaucoup que tout le bataillon ait marché. » — Procès-verbal de la section de Montreuil. Bonneau, commandant, ne se décide à marcher qu’en protestant et pour éviter l’effusion du sang.
  2. Déposition de Lareynie, soldat volontaire du bataillon de l’Île-Saint-Louis.
  3. Déposition de M. Vietinghoff, lieutenant général. — Correspondance de Mirabeau et de M. de la Marck. Lettre de M. de Montmorin, 21 juin : « À deux heures, le rassemblement était de 8 à 10 000 individus. »