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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/313

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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


minorité violente, qui, ayant tout osé pour prendre la dictature, osera tout pour la garder.

VIII

Arrêtons-nous un instant pour contempler la grande cité et ses nouveaux rois. — De loin, Paris semble un club de 700 000 énergumènes qui vocifèrent et délibèrent sur les places publiques ; de près, il n’en est rien. La vase, en remontant, est devenue la surface et communique sa couleur au fleuve ; mais le fleuve humain coule dans son lit ordinaire, et, sous ce trouble extérieur, demeure à peu près le même qu’auparavant. C’est une ville de gens pareils à nous, administrés, affairés et qui s’amusent : pour la très grande majorité, même en temps de révolution, la vie privée, trop compliquée et trop absorbante, ne laisse qu’une place minime à la vie publique. Par routine et par nécessité, la fabrication, l’étalage, la vente, l’achat, les écritures, les métiers et les professions vont toujours leur train courant. Le commis est à son bureau, l’ouvrier à son atelier, l’artisan à son échoppe, le marchand à sa boutique, l’homme de cabinet à ses papiers, le fonctionnaire à son service[1] ; avant tout, ils sont préoccupés de leur besogne, de leur pain quotidien, de leurs échéances, de leur avancement, de leur famille et de leurs plaisirs ; pour y pourvoir, la journée n’est pas trop longue. La politique n’en détourne

  1. Malouet, II, 241.