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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/77

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LES JACOBINS


dements, Laclos, ont de grands projets pour lui ; ils veulent le faire lieutenant général du royaume, à la fin régent ou même roi[1], afin de régner sous son nom et de « partager les profits ». — En attendant, ils exploitent ses velléités, Laclos surtout, sorte de Machiavel subalterne ; homme à tout faire, profond, dépravé, qui depuis longtemps a le goût des combinaisons monstrueuses : nul ne s’est complu si froidement à suivre les amalgames inexprimables de la méchanceté et de la débauche humaines ; dans la politique comme dans le roman, il a pour département « les liaisons dangereuses ». Jadis il maniait en amateur les filles et les bandits du beau monde ; maintenant il manie en praticien les filles et les bandits de la rue. Le 5 octobre 1789, on l’a vu, « vêtu d’un habit brun[2] », parmi les premiers groupes de femmes qui se mettaient en marche pour Versailles, et l’on retrouve sa mains[3] « dans l’affaire Réveillon, dans

    M. de Staël, ambassadeur de Suède, avec sa cour, copiée aux archives de Stockholm par M. Léouzon-le-Duc. Lettre de M. de Staël, 21 avril 1791 : « M. Laclos, agent secret de ce misérable prince, (est un) homme habile et profond en intrigues… » 24 avril : « Ce sont ses agents plus que lui qui sont à craindre. Il nuit plus lui-même aux affaires de son parti par sa mauvaise conduite qu’il ne les sert. »

  1. Notamment après la fuite du roi à Varennes et au moment de l’affaire du Champ de Mars. La pétition des Jacobins avait été rédigée par Laclos et Brissot.
  2. Enquête du Châtelet déposition du comte d’Absac de Ternay.
  3. Malouet, I, 247, 248. Ce témoignage est décisif. « Indépendamment de ce que j’ai pu observer moi-même, dit Malouet, M. de Montmorin et M. de Lessart m’ont communiqué tous les rapports de la police de 1789 et 1790. »