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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/104

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LA RÉVOLUTION


l’une avait été habitée par Henri IV. Des officiers municipaux qui veulent intervenir manquent d’être écharpés, toute la municipalité s’enfuit. M. Desfossez, avec ses deux filles, parvient à se cacher dans un coin obscur d’une maison voisine, puis dans un petit réduit prêté par un jardinier humain ; enfin, à grand peine, il gagne Soissons. De ses deux maisons « il ne reste plus que les murs. Fenêtres, vitres, portes, panneaux, tout a été fracassé » ; 20 000 livres d’assignats en portefeuille ont été déchirées ou volées ; les titres de propriété ont disparu ; on évalue le dommage à 200 000 francs. Le pillage a duré de sept heures du matin à sept heures du soir, et, comme toujours, a fini par une kermesse : descendus dans les caves, les pillards y ont bu « deux muids de vin et deux tonneaux d’eau-de-vie ; trente ou quarante y sont restés morts ivres, et l’on a eu de la peine à les en retirer ». Nulle poursuite ou enquête ; le nouveau maire, qui, au bout d’un mois, se décide à dénoncer le fait, prie le ministre de taire son nom ; car, dit-il, « dans le conseil général de la commune, les agitateurs ont provoqué des menaces et des projets affreux contre quiconque serait découvert vous avoir écrit[1] ». — Telle est la menace conti-

  1. Archives nationales, F7, 3185. Lettre de Goulard, maire de Coucy, 4 octobre. — Lettre d’Osselin, notaire, 17 novembre : « On menace d’incendier les deux fermes qui restent à M. Desfossez. » — Lettre de M. Desfossez, 28 janvier 1793. Il déclare n’avoir pas porté de plainte ; si quelqu’un l’a fait pour lui, il en est très fâché : « Cette plainte peut me mettre dans le plus grand danger, d’après la connaissance que j’ai de l’esprit public de la ville de Coucy et la manière dont les coupables ont travaillé et