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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/165

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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


confinent dans la vie privée ; d’où il suit que, dans la balance politique, les présents ne pèsent pas plus que les absents. Aux élections municipales d’octobre, novembre et décembre, sur 160 000 inscrits, il y en a 144 000, puis 150 000, puis 153 000 qui s’abstiennent ; certainement, et à plus forte raison, on ne voit point ceux-là le soir à l’assemblée de leur section. Le plus souvent, sur trois ou quatre mille citoyens, il ne s’y trouve que cinquante ou soixante assistants ; telle assemblée, dite générale et qui, en cette qualité, signifie à la Convention les volontés du peuple, se composait de vingt-cinq votants[1]. Aussi bien, qu’est-ce qu’un homme de sens, ami de l’ordre, irait faire dans ces bouges d’énergumènes ? Il reste chez lui, comme aux jours d’orage ; il laisse couler l’averse des paroles, et ne va pas chercher des éclaboussures dans le ruisseau de bavardage où s’entasse et bouillonne toute la fange de son quartier.

S’il sort, c’est pour se promener comme autrefois, pour suivre les goûts qu’il avait sous l’ancien régime, ses goûts de Parisien, d’administré, de badaud, de causeur et flâneur aimable. « Hier soir, écrit un homme qui sent approcher la Terreur, je vais me placer au milieu de l’aile droite des Champs-Élysées[2] ; je la vois tapissée,

  1. Moniteur, XV, 66, séance du 5 janvier. Discours du maire de Paris (Cambon). — Ib., XV, 114, séance du 14 janvier. Discours de Buzot. — Ib., XV, 136, séance du 13 janvier. Discours d’une députation de fédérés. — Buchez et Roux, XXVIII, 91. Lettre de Gadolle à Roland, octobre 1792. — Ib., XXI, 417 (20 décembre, article de Marat) : « L’ennui et le dégoût ont rendu les assemblées désertes. » — Schmidt, II, 69 (Dutard, 18 juin).
  2. Schmidt, I, 203 (Dutard, 10 mai). Au moyen des estampes