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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/92

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LA RÉVOLUTION


« il ne leur en coûte rien de massacrer » qui leur déplaît[1]. Exaspérés par les périls qu’ils vont courir à la frontière, ils commencent la guerre dès l’intérieur ; par provision et précaution, ils expédient en passant les aristocrates probables, et contre les officiers, les nobles, les prêtres qu’ils rencontrent sur leur route, ils font pis que leurs alliés du club. Car, d’une part, étant de passage, ils sont encore plus sûrs de l’impunité que les meurtriers sédentaires ; huit jours après, perdus dans l’armée, on n’ira pas les rechercher au camp ; ils peuvent tuer avec sécurité complète. Et d’autre part, étrangers, nouveaux venus, incapables de faire, comme les gens du pays, acception des personnes, sur un nom, un costume, une qualification, un bruit de café, une apparence, si inoffensif et vénérable que soit l’homme, ils le tuent, non parce qu’ils le connaissent, mais parce qu’ils ne le connaissent pas.

  1. Archives nationales, F7, 3370. Délibération du Conseil général de la commune de Roye, 8 octobre 1792 (passage de deux divisions de gendarmerie parisiennes) : « Les habitants et les officiers municipaux ont été successivement le jouet de leur insolence et de leur brutalité, continuellement menacés, en cas de refus, de se voir couper la tête, et voyant lesdits gendarmes, notamment les canonniers, toujours menaçants et le sabre nu à la main. Le citoyen maire surtout a été excédé par lesdits canonniers,… le faisant danser sur la place d’Armes, où ils se sont portés avec des violons et où ils sont restés jusqu’à minuit, en le pressant et le poussant rudement dans leurs rangs, en le traitant d’aristocrate, en le faisant affubler du bonnet rouge, en le menaçant continuellement de lui couper la tête à lui et à tous les aristocrates de la ville, menace qu’ils juraient d’exécuter pour le lendemain, déclarant ouvertement, notamment deux ou trois d’entre eux, qu’ils étaient de ceux qui avaient massacré les