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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/109

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LES GOUVERNANTS


« Meaux. À présent, où est ton argent monnayé ? Si tu ne le déclares pas, la guillotine est à la porte ; c’est moi qui serai ton bourreau. » — Le vieillard ne refuse pas, demande seulement qu’on le délie ; mais il est plus sûr de le laisser lié, « pour le faire chanter ». On l’enlève, on le porte dans la cuisine, on lui met les pieds « dans un brasier ardent ». Il pousse un grand cri, indique une autre armoire ; l’armoire est forcée, ils emportent ce qu’ils y trouvent, « 72 francs en numéraire et 5000 à 6000 livres en assignats, que Gilbon venait de recevoir pour son blé en réquisition ». Ensuite, ils brisent les portes de la cave, lâchent une pièce de vinaigre, montent du vin, mangent le souper de la maison, s’enivrent, et enfin, laissant Gilbon, les pieds brûlés, garrotté ainsi que les onze autres, ils s’en vont, bien sûrs de n’être pas suivis[1].

Dans les villes, surtout en pays fédéraliste, les vols se compliquent d’autres attentats. — À Lyon, tandis qu’on a logé les troupes régulières dans les casernes, on loge chez l’habitant l’armée révolutionnaire, les deux mille[2]

  1. Moniteur, XVIII, 663 (séance du 24 frimaire, rapport de Lecointre). « Les communes de Thieux, de Jully et nombre d’autres ont été victimes de leurs brigandages. » — « La stupeur est telle dans les campagnes que les malheureux qui éprouvent des vexations de ce genre n’osent se plaindre, trop heureux disent-ils d’avoir échappé à la mort. » — Mais, cette fois, les brigands publics ont fait une méprise ; car il se trouve que Gilbon fils est fermier de Lecointre. Encore est-ce par rencontre que Gilbon a parlé de l’événement à son propriétaire ; « il venait le voir pour un autre objet ; » — Cf. la Révolution, VI, 177 (Autre scène semblable chez Ruelle, fermier, commune de Lisses).
  2. Guillon de Montléon, II, 440, III, 97.