Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
LES GOUVERNÉS


quefois par le roi ou la commune. Par cette multiplicité et cet entre-croisement, les pouvoirs se limitaient. D’ailleurs, une fois nommé, le chanoine ou curé avait des garanties ; on ne pouvait pas le révoquer arbitrairement ; dans presque tous les cas, pour le destituer ou même le suspendre, il fallait au préalable lui faire un procès, selon des formes prescrites, avec interrogatoire, plaidoirie et débats, par-devant l’officialité ou tribunal ecclésiastique. De fait, il était inamovible, et, le plus souvent, son mérite personnel eût suffi pour l’abriter. — Car, si les très hautes places étaient données à la naissance et à la faveur, les moyennes étaient réservées à la régularité et au savoir. Nombre de chanoines et vicaires généraux, presque tous les curés des villes, étaient docteurs en théologie ou en droit canon, et les études ecclésiastiques, très fortes, avaient occupé huit ou neuf ans de leur jeunesse[1]. Quoique la méthode fût surannée, on apprenait beaucoup à la Sorbonne et à Saint-Sulpice ; à tout le moins, par une

  1. Morellet, Mémoires, I, 8, 31. — La Sorbonne, fondée par Robert Sorbon, confesseur de saint Louis, était une société analogue à l’un des collèges d’Oxford ou de Cambridge, c’est-à-dire un corps propriétaire, ayant une maison, des revenus, des statuts, des pensionnaires ; son objet était l’enseignement des sciences théologiques ; ses membres titulaires, au nombre de cent environ, étaient pour la plupart des évêques, des vicaires généraux, des chanoines, des curés de Paris et des principales villes. Elle préparait les sujets distingués aux grandes charges de l’Église. — Les examens qui précédaient le doctorat étaient la tentative, la mineure, la sorbonique et la majeure. Le talent de la discussion et de l’argumentation y était particulièrement développé. — Cf. Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 279 (sur Saint-Sulpice et l’étude de la théologie).