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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/20

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LA RÉVOLUTION


« s’agit de quelque chose qui tient à l’esprit d’intrigue ou à des intérêts particuliers[1], la proposition est toujours faite par un des membres du comité révolutionnaire de la section, ou par un de ces patriotes énergumènes qui ne font qu’un avec le comité et ordinairement lui servent d’espions. À l’instant, les hommes ignorants, à qui Danton a fait accorder 40 sous par séance et qui depuis vont en foule aux assemblées où ils n’allaient pas auparavant, accueillent la proposition par des applaudissements bruyants, en criant Aux voix, et l’arrêté est pris à l’unanimité, quoique les citoyens instruits et bien intentionnés soient d’un avis différent. Si quelqu’un osait s’y opposer, il aurait tout à craindre d’être incarcéré comme suspect[2], après avoir été traité d’aristocrate, de modéré, de fédéraliste, ou, tout au moins, lui refuserait-on un certificat de civisme, s’il avait le malheur d’en avoir besoin, sa subsistance en dépendît-elle, soit comme employé, soit comme pensionnaire. » — Dans la section de la Maison Commune, la plupart des auditeurs sont des maçons ; « excellents patriotes, dit un des clubistes du

  1. Dauban, 308 (Note trouvée dans les papiers de Danton, et probablement écrite par le médecin Quêvremont de Lamothe).
  2. Ib., 125 (Rapport de Bérard, 10 ventôse). Paroles d’une femme de la section Bonne-Nouvelle : « Mon mari est enfermé depuis quatre mois, et qu’a-t-il fait ? Il a été un des premiers à la Bastille, a toujours refusé les places pour les laisser aux bons sans-culottes, et, s’il s’est fait des ennemis, c’est qu’il n’a pas voulu qu’elles fussent occupées par des ignorants ou des nouveaux venus, qui, par leurs criailleries et la soif du sang dont ils paraissaient animés, se sont fait autour d’eux une barrière de partisans. »