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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/210

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LA RÉVOLUTION


tesse, comme les autres marques d’une bonne éducation, est devenue un stigmate : le savoir-vivre est considéré, non seulement comme un reste de l’ancien régime, mais comme une révolte contre les institutions nouvelles ; on s’insurge contre le régime établi quand on répugne à la camaraderie brutale, aux jurons familiers, aux locutions ordurières de l’ouvrier et du soldat. — Au total, le jacobinisme, par ses doctrines et ses actes, par ses cachots et ses bourreaux, crie à la nation qu’il tient sous sa férule[1] : « Sois grossière, pour devenir républicaine ; redeviens sauvage, pour montrer la supériorité de ton génie ; quitte les usages d’un peuple civilisé, pour prendre ceux des galériens ; défigure ta langue, pour l’élever ; parle comme la populace, sous peine de mort. Les mendiants espagnols se traitent avec dignité, ils rendent le respect à l’espèce humaine sous les haillons. Nous, au contraire, nous t’enjoignons de prendre nos haillons, notre patois, notre tutoiement. Habille-toi en carmagnole et tremble ; deviens rustique et sotte, et prouve ton civisme par l’absence de toute éducation. » — Cela est vrai, à la lettre. « L’éducation[2], dit un autre contemporain, les qualités aima-

    nions secrètes » ; une fille, « pour être spirituelle et disposée à se moquer des patriotes ».

  1. Mallet du Pan, Correspondance politique, Introduction, 8 (Hambourg, 1796).
  2. Portalis, de la Revision des jugements, 1795 (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, V, 452). — Moniteur, XXII, 86 (Rapport de Grégoire, 14 fructidor an II) : « Dumas disait qu’il fallait guillotiner tous les hommes d’esprit… Henriot proposait de brûler la Bibliothèque nationale, et l’on répétait sa motion à