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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/227

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LES GOUVERNÉS

II

Telle est déjà la détresse en France au moment où s’achève la conquête jacobine, et, de cette détresse, les Jacobins sont les auteurs ; car, depuis quatre ans, ils ont fait à la propriété une guerre systématique. — Par en bas, ils ont provoqué, excusé, amnistié, ou toléré et autorisé, contre la propriété, tous les attentats populaires[1], des milliers d’émeutes, sept jacqueries consécutives, quelques-unes assez larges pour couvrir à la fois neuf ou dix départements, et la dernière étalée sur la France entière, c’est-à-dire le brigandage universel et permanent, l’arbitraire des indigents, des vagabonds et des vauriens, toutes les formes du vol, depuis le refus des rentes et fermage, jusqu’au pillage des châteaux, des maisons bourgeoises, des marchés et des greniers, la licence plénière des attroupements, qui, sous un prétexte politique, taxaient et rançonnaient à discrétion les suspects de toute classe, non seulement le noble et le riche, mais le fermier tranquille et l’artisan aisé, bref le recul vers l’état de nature, la souveraineté des appétits et des convoitises, la rentrée de l’homme dans la forêt primitive. Tout récemment, au mois de février 1793, sur les conseils de Marat et avec la connivence de la municipalité jacobine, la canaille de Paris vient d’enfoncer douze cents boutiques d’épicerie et de se partager

  1. Cf. la Révolution, tome IV, 104 à 114, 191 à 232 ; tome VI, 64 à 68.