Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
LES GOUVERNÉS


dans le second semestre de 1793, la guerre et les subsistances engloutissaient près de 300 millions par mois, et, plus on versait dans les deux gouffres, plus ils se creusaient[1].

Naturellement, quand on ne perçoit plus ses revenus et qu’on exagère ses dépenses, on est obligé d’emprunter sur son fonds ; on vend ce fonds pièce à pièce, et on le mange. Naturellement, quand on ne trouve pas d’argent comptant sur le marché, on souscrit des billets, on tâche de les faire circuler, on paye ses fournisseurs avec des promesses écrites de payement futur, et l’on mange son crédit. Voilà le papier-monnaie et les assignats : c’est le troisième moyen, le moyen le plus efficace pour détruire une fortune, et les Jacobins n’ont pas manqué de l’appliquer à outrance. — Sous la Constituante, par un reste de bon sens et de bonne foi, on avait d’abord tâché d’assurer le remboursement des billets souscrits ; il y avait presque sécurité pour les porteurs d’assignats ; on leur avait donné sur les biens nationaux une première hypothèque ; on avait promis de ne plus emprunter sur leur gage, de ne plus émettre d’assignats[2]. Mais on ne leur a pas tenu parole : leur hypothèque a été frustrée de son privilège ; partant elle

  1. Schmidt, Pariser-Zustände, I, 139 à 144.
  2. Décret du 29 septembre 1790 : « Il n’y aura pas en circulation au delà de 1200 millions d’assignats. Les assignats qui rentreront dans la caisse de l’extraordinaire seront brûlés, et il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du corps législatif, toujours sous la condition qu’ils ne puissent ni excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1200 millions en circulation. »