Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
LES GOUVERNÉS


sans ouvrage[1], bref de tous ceux qui, pour vivre, n’ont plus qu’un mince paquet d’assignats, ou dont les bras ne sont point loués pour les besognes indispensables, et qui, directement, de leurs propres mains, ne produisent pas le vin, la chandelle, la viande, les pommes de terre et le pain.

Aussitôt après l’abolition du maximum[2], le cri de la faim a redoublé ; de mois en mois, il éclate plus douloureux et plus fort, à mesure que les subsistances de-

  1. Correspondance de Mallet du Pan avec la cour de Vienne, I, 253 (18 juillet 1795) : « Il n’en est plus aujourd’hui comme aux premiers temps de la Révolution, qui ne pesait alors que sur certaines classes de la société ; maintenant, les fléaux se font sentir à tous, à toute heure, dans toutes les parties de l’existence civile. Les marchandises et les denrées montent journellement dans une proportion beaucoup plus forte que la baisse des assignats. Paris n’est plus absolument qu’une cité de brocanteurs… Ce concours immense à acheter les effets mobiliers élève les marchandises de 25 pour 100 par semaine. Il en est de même des denrées. Le sac de blé, pesant trois quintaux, vaut en ce moment 9000 francs, la livre de suif 36 francs, une paire de souliers 100 francs. Il est impossible que les artisans élèvent le prix de leurs journées dans une proportion si forte et si rapide. » — Cf. Lord Malmesbury’s Diaries, III, 290 (2 octobre 1796). À partir de 1795, gros bénéfices des paysans propriétaires et producteurs ; de 1792 à 1796, ils ont accumulé et caché la plus grande partie du numéraire ; « ils ont eu le courage et l’art de défendre leur magot contre toute la violence du gouvernement révolutionnaire » : par suite, lors de la dépréciation des assignats, ils ont acheté la terre à un bon marché incroyable ; en 1796, ils cultivent et produisent beaucoup.
  2. Archives nationales, AF, II, 72 (Lettre des administrateurs du district de Montpellier à la Convention, 26 messidor an III) : « Votre décret du 4 nivôse dernier supprima le maximum ; cette mesure, provoquée par la justice et l’intérêt public, n’eut pas l’effet que vous en attendiez. » La disette a cessé, mais l’enchérissement est prodigieux : le cultivateur vend son blé de 470 à 670 francs le quintal.