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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/295

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LES GOUVERNÉS


« sont depuis deux et trois mois sans pain et ne vivent que de son ou d’herbes… Souvent des mères de famille, des enfants, des vieillards, des femmes enceintes, qui viennent demander du pain au directoire, tombent en défaillance dans ses bras. »

Pourtant, si grande que soit la disette dans les campagnes, elle est pire dans les villes ; et la preuve en est que les affamés de la ville se répandent dans la campagne pour y chercher n’importe quels vivres, n’importe comment, et le plus souvent en vain. — « Les trois quarts de nos concitoyens, écrit la municipalité de Rozoy[1], sont forcés de quitter leurs travaux pour courir deçà delà, dans la campagne, chez les cultivateurs, demander du pain à prix d’argent, avec plus de prières que ne font les plus malheureux indigents, et la majeure partie ne reviennent que les yeux baignés de larmes, de ne pouvoir trouver, non pas seulement un boisseau de blé, mais une livre de pain. » — « Hier, écrit la municipalité de Montreuil-sur-Mer[2], il est parti plus de deux cents citoyens pour aller mendier dans les campagnes », et s’ils n’obtiennent rien, ils volent. « Des bandes de brigands[3] se répandent dans la campagne et exercent le pillage dans

  1. Archives nationales, AF, II, 71 (Lettre de la municipalité de Rozoy, Seine-et-Marne, 4 messidor an III). Le boisseau de blé se paye alors aux environs de Rozoy jusqu’à 300 francs.
  2. Ib., AF, II, 74 (Lettre de la municipalité de Montreuil-sur-Mer, 29 prairial an III).
  3. Ib. (Lettre des administrateurs du district de Vervins, 11 prairial. — Lettre de la commune de la Chapelle-sur-Somme, 24 prairial).