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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/297

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LES GOUVERNÉS


lité, avec ce qu’elle a de gendarmes, exerce sur ses alentours les réquisitions légales, et parfois la commune obtient du gouvernement une aumône en blé, avoine, riz ou assignats. Mais la quantité des grains qu’elle reçoit est si petite, que l’on se demande comment, après deux mois, six mois, un an d’un pareil régime, la moitié des habitants n’est pas dans le cimetière ; je suppose que beaucoup d’entre eux vivent de leur jardin, de leur petit domaine rural, que d’autres sont assistés par leurs parents, leurs voisins ou leurs camarades ; en tout cas, il est clair que la machine humaine est très résistante et qu’avec quelques bouchées par jour elle peut se soutenir longtemps. — À Ervy[1], dans l’Aube, « il n’a pas été amené un seul grain de blé aux deux derniers marchés ». — « Demain[2], 25 prairial, Bapaume, chef-lieu du district, n’aura (pour toute provision) que deux boisseaux de farine. » — « Depuis une décade, à Boulogne-sur-Mer, il n’a été distribué à chaque individu que 2 livres pesant de mauvaise orge ou scorion pour une décade, sans savoir si nous pourrons encore faire cette misérable répartition la décade prochaine. »

  1. Archives nationales, D, § 1, carton 2 (Lettre de la municipalité d’Ervy, Aube, 17 floréal an III) : « L’insouciance des cultivateurs égoïstes des campagnes est au comble, ils se refusent à toute obéissance aux lois, et égorgent les malheureux en leur refusant de vendre ou en ne voulant leur vendre les grains qu’à des sommes qu’ils ne peuvent atteindre. » (Ce carton serait à transcrire tout entier, pour montrer la situation alimentaire d’un département.)
  2. Ib., AF, II, 74 (Lettre des administrateurs du district de Bapaume, 24 prairial. — Lettre de la municipalité de Boulogne-sur-Mer, 24 prairial).