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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/300

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LA RÉVOLUTION


que, chaque jour, les bergers leur procurent un peu d’aliments. Sollicité à grands cris, le gouvernement central étend ou précise le cercle de leurs réquisitions ; il les autorise à emprunter, à s’imposer ; il leur prête ou leur donne des millions, en assignats[1] ; quelquefois, en cas de nécessité extrême, il leur alloue tant de grains ou

  1. Archives nationales, AF, II, 74. — Voici quelques spécimens de ces dépenses municipales (Délibération de la commune d’Amiens, 8 thermidor an III) : « La commune a reçu du gouvernement 1 200 000 francs. Souscription fraternelle, 400 000 francs. Emprunt forcé, 2 400 000 francs. Produit de divers grains accordés par le gouvernement, mais qui n’ont pas été payés, 400 000 francs. » — (Lettre d’une municipalité de Lille, 7 fructidor). « Le déficit, qui, à l’époque de notre entrée dans l’administration, par suite de la différence entre le prix des grains achetés et le prix du pain délivré aux nécessiteux, était de 2 270 023 francs, s’est tellement accru que, pour le mois de thermidor, il a été de 8 312 956 francs. » Par suite, les villes se ruinent et s’endettent à un point incroyable. — Archives nationales, AF, II, 72 (Lettre de la municipalité de Tours, 19 vendémiaire an IV). Tours n’a plus assez d’argent pour acheter l’huile nécessaire à ses réverbères, et n’est plus éclairé la nuit. Arrêté pour que l’agent des subsistances à Paris remette à ses commissaires 20 quintaux d’huile, qui, sur 340 réverbères, pourront en entretenir 100 jusqu’au 1er germinal. — De même à Toulouse (Rapport de Destrem, Moniteur, 24 juin 1798). — Le 26 novembre 1794, Bordeaux n’est pas en état de payer 72 francs pour trente barriques d’eau employées à laver la guillotine (Granier de Cassagnac, I, 13, extrait des Archives de Bordeaux). — Bordeaux est autorisé à vendre 1000 tonneaux de vin requis autrefois pour la République ; la ville les payera au taux auquel la République les a jadis achetés et les vendra le plus cher possible, par la voie du commerce libre ; avec le bénéfice de l’opération, elle achètera des grains pour la subsistance de ses habitants. (Archives nationales, AF, II, 72, arrêté du 4 vendémiaire an IV.) — Pour les secours en assignats accordés aux villes et aux départements, voir les mêmes cartons : 400 000 francs à Poitiers, le 18 pluviôse ; 4 millions à Lyon, le 17 pluviôse ; 3 millions par mois à Nantes, à partir du 14 thermidor ; 10 millions au département de l’Hérault, en frimaire et pluviôse, etc.