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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/376

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LA RÉVOLUTION


trier, Carnot, serviteur de sa consigne légale, qui craint de risquer sa République et qui d’ailleurs se souvient qu’il a voté la mort du roi[1]. Aux Cinq-Cents et aux Anciens, Thibaudeau et Tronson du Coudray, les deux meneurs « du ventre », arrêtent le bras de Pichegru et des hommes énergiques, les empêchent de frapper, ne permettent que de parer, et toujours trop tard. Trois jours avant le 18 Fructidor, quand, au su et au vu de tous, le coup final est monté, les quatre-vingts députés qui découchent pour ne pas être saisis dans leur lit ne peuvent pas encore se résoudre à prendre l’offensive. Ce jour-là[2], un témoin oculaire est venu raconter à Mathieu Dumas que, la veille au soir, chez Barras, on a délibéré d’égorger ou de déporter à Cayenne environ quarante membres des deux Conseils, et que le second parti a prévalu ; sur quoi, un commandant de bataillon dans la garde nationale, ayant mené Dumas la nuit dans le jardin des Tuileries, lui montre ses hommes cachés derrière les arbres, armés et prêts à marcher au premier signe ; il se charge d’enlever à l’instant le Luxem-

  1. Carnot, Mémoires, II, 161 : « Le mal étant arrivé à sa dernière période, il fallait faire un 20 juin, au lieu d’un 31 mai. » — Mallet du Pan, II, 333, 334 : « Le projet de casser la division militaire de l’intérieur, commandée par Augereau, devait s’exécuter du 15 au 20 août ; si le triumvirat eût résisté, Pichegru et Willot marchaient sur le Luxembourg. Carnot refusa d’accepter ce plan, à moins qu’on ne lui laissât la nomination des trois nouveaux directeurs. » — Delarue, Histoire du 18 Fructidor : « Carnot répétait aux modérés qui lui demandaient d’agir avec eux : J’aurais dans ma poche une grâce bien cimentée de la parole royale que je n’y aurais pas de confiance. »
  2. Mathieu Dumas, Mémoires, III, 113.