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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/69

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LES GOUVERNANTS


sera condamné pour d’autres faux à huit ans de reclusion et mis au pilori. « Presque toute la commune est contre lui » ; il est honni dans la rue par les femmes, et les huit sections s’assemblent pour demander qu’il s’en aille. — Mais le représentant Bô déclare qu’il a tous les titres pour rester, étant Jacobin pur, terroriste accompli, et « le seul maire sans-culotte dont puisse se glorifier la commune de Troyes ». Ce serait faire trop d’honneur à de telles gens que de leur supposer des convictions et des principes ; ils n’ont que des haines[1], surtout des appétits[2], et, pour les as-

    tions pour les indigents. De l’argent des pauvres il ne restait dans sa caisse, le 12 nivôse, que 3738 francs ; il avait donc distrait ou mangé plus de 12 000 livres. »

  1. Frochot, par Louis Passy, 172 (Lettre de Pajot, membre du comité révolutionnaire d’Aignay-le-Duc) : « Les dénonciations occupaient la majeure partie de nos séances, et c’est là qu’on voyait la haine et la vengeance des collègues qui nous dirigeaient. »
  2. Archives nationales, D, § I, no 3. Sur les grattages des comités révolutionnaires et de leurs agents, voici une pièce entre mille (Plainte de Mariotte, propriétaire, ancien maire de Châtillon-sur-Seine, 27 floréal an III) : « Le 25 brumaire de l’an II, je fus arrêté en prenant la poste à Mussy, voyageant pour les affaires de la République, muni de commission et de passeport du ministre de la guerre… Je fus fouillé avec la dernière indécence ; le citoyen Ménétrier, membre du comité, me tint les propos les plus grossiers… Je fus mis en arrestation dans une auberge ; au lieu de deux gendarmes, qui auraient sans doute suffi pour ma garde, j’eus toute la brigade, qui passa la nuit et la journée du lendemain à boire, au point que, tant en vin qu’en eau-de-vie, j’en ai été à l’auberge pour 60 francs. Ce qui est plus fort, c’est que deux membres du comité ont passé une nuit à me garder, et se sont fait payer. Au reste, on disait devant moi que j’étais un bon pigeon qu’il fallait plumer… On me donna une escorte, comme à un criminel d’État de la plus grande importance, 3 gendarmes nationaux à cheval, 6 gardes nationaux ; et enfin le commandant même de la garde nationale,


  la révolution, vi.
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