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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/152

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LE RÉGIME MODERNE


biscites. — Établissement définitif de la dictature. — Ses dangers et sa nécessité. — Désormais la puissance publique est en état de faire son service.

I

En toute société humaine il faut un gouvernement, je veux dire une puissance publique ; nulle machine n’est si utile. Mais une machine n’est utile que si elle est adaptée à son service : autrement, elle ne fonctionne pas, ou elle fonctionne à l’inverse de son objet. C’est pourquoi, lorsqu’on la fabrique, on est tenu de considérer d’abord la grandeur du travail qu’elle doit faire et la qualité des matériaux dont on dispose : il importe beaucoup de savoir au préalable si la masse à soulever est d’un quintal ou de mille quintaux, si les pièces que l’on agence sont en fer et en acier, ou en bois vert et en bois pourri. — À cela, depuis dix ans, les législateurs n’avaient jamais songé ; ils avaient constitué en théoriciens, et aussi en optimistes, sans regarder les choses, ou en se figurant les choses d’après leurs souhaits. Dans les Assemblées et dans le public, on avait supposé la besogne facile, ordinaire, et la besogne était extraordinaire, énorme ; car il s’agissait d’une révolution sociale à opérer et d’une guerre européenne à soutenir. On avait supposé les matériaux excellents, aussi souples que solides, et ils étaient mauvais, à la fois réfractaires et cassants : car ces matériaux humains étaient les Français de 1789 et des années suivantes, c’est-à-dire des hommes très sensibles et durement froissés les uns par