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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/175

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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


« illusoire et métaphysique[1] ». Tout le droit des électeurs, au premier degré, se réduit à désigner un dixième d’entre eux ; tout le droit de ceux-ci, au deuxième degré, se réduit encore à désigner un dixième d’entre eux ; tout le droit de ceux-ci, au troisième degré, se réduit enfin à désigner un dixième d’entre eux, environ six mille candidats. Sur cette liste, le gouvernement inscrit lui-même, de droit et par surcroît, tous ses hauts fonctionnaires ; manifestement, sur une liste si longue, il trouvera sans difficulté des hommes à sa dévotion, des créatures. Par un autre surcroît de précaution, c’est lui qui de sa seule autorité et en l’absence de toute liste, nomme seul la première législature. Enfin, à tous les emplois législatifs qu’il confère, il a pris soin d’attacher de beaux appointements, 10 000 francs, 15 000 francs, 30 000 francs par an ; dès le premier jour, on les brigue auprès de lui, et les futurs dépositaires du pouvoir législatif sont, pour commencer, des solliciteurs d’antichambre. — Pour achever leur docilité, on a démembré d’avance ce pouvoir législatif : on l’a réparti entre trois corps, invalides de naissance et passifs par institution. Aucun d’eux n’a d’initiative ; ils ne délibèrent que sur les lois proposées par le gouvernement. Chacun deux n’a qu’un fragment de fonction : le Tribunal discute et ne statue pas ; le Corps Législatif statue et ne discute pas ; le Sénat conservateur a pour emploi le maintien de cette paralysie générale. « Que voulez-vous ! disait

  1. Paroles de Napoléon. (Correspondance, XXX, 343, Mémoires dictés à Sainte-Hélène.)