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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/178

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LE RÉGIME MODERNE


rencontrer, dans le même homme, d’abord un sauveur, puis un destructeur, avec la certitude d’appartenir désormais à la volonté inconnue que le génie et le bon sens, ou l’imagination et l’égoïsme, formeront dans une âme enflammée et troublée par les tentations du pouvoir absolu, par l’impunité et par l’adulation universelle, chez un despote irresponsable sauf envers lui-même, chez un conquérant condamné par les entraînements de la conquête à ne voir lui-même et le monde que sous un jour de plus en plus faux. — Tels sont les fruits amers de la dissolution sociale : la puissance publique y périt ou s’y pervertit ; chacun la tire à soi, personne ne veut la remettre à un tiers arbitre, et les usurpateurs qui s’en emparent n’en restent les dépositaires qu’à condition d’en abuser ; quand elle opère sous leurs mains, c’est pour faire le contraire de son office. Il faut se résigner, faute de mieux et crainte de pis, lorsque, par une usurpation finale, elle tombe tout entière dans les seules mains capables de la restaurer, de l’organiser et de l’appliquer enfin au service public.