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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/23

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NAPOLÉON BONAPARTE


chez lui, nulle envie de prendre parti, nul élan intérieur, jacobin ou royaliste. Même son visage est si calme « qu’il excite maints regards hostiles et défiants, « comme quelqu’un d’inconnu et de suspect ». — Pareillement, après le 31 Mai et le 2 Juin, son Souper de Beaucaire montre que, s’il condamne l’insurrection départementale, c’est surtout comme impuissante : du côté des insurgés, une armée battue, pas une position tenable, pas de cavalerie, des artilleurs novices, Marseille réduite à ses propres forces, pleine de sans-culottes hostiles, bientôt assiégée, prise, pillée ; le calcul des chances est contre elle : « Laissez les pays pauvres, l’habitant du Vivarais, des Cévennes, de la Corse se battre jusqu’à la dernière extrémité ; mais vous, perdez une bataille, et le fruit de mille ans de fatigues, de peines, d’économie et de bonheur devient la proie du soldat[1]. » Voilà de quoi convertir les Girondins. — Aucune des croyances politiques ou sociales qui ont alors tant d’empire sur les hommes n’a d’empire sur lui. Avant le 9 Thermidor il semblait « républicain montagnard », et on le suit pendant quelques mois en Provence, « favori et conseiller intime de Robespierre jeune », « admirateur » de Robespierre aîné[2], lié à Nice avec Charlotte Robespierre. Aussitôt après le

  1. Bourrienne, I, 171. (Texte original du Souper de Beaucaire.)
  2. Yung, II, 430, 531. (Paroles de Charlotte Robespierre. — En souvenir de cette liaison, elle reçut de Bonaparte, sous le Consulat, une pension de 3600 francs.) — Ib. (Lettre de Tilly, chargé d’affaires à Gênes, à Buchot, commissaire aux relations extérieures.) — Cf. dans le Mémorial le jugement très favorable de Napoléon sur Robespierre.


  le régime moderne, i.
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