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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/188

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sculpture antique, c’est Énée avec Anchise, Ascagne et Cruse. Deux femmes apportent des vases et crient ; des cariatides de temple grec auraient le même mouvement. Je ne vois là que des bas-reliefs peints, un complément de l’architecture.

On s’en va sur cette idée, et on la médite, ou plutôt elle se développe toute seule dans la tête et porte des fruits. Pourquoi, en effet, des fresques ne seraient-elles pas un complément de l’architecture ? N’est-ce pas un tort que de les considérer en elles-mêmes ? Il faut se mettre au point de vue du peintre pour entrer dans les idées du peintre. Et certainement ce point de vue était celui de Raphaël. L’Incendie de Borgo est compris dans un arc ornementé qu’il a pour emploi de remplir. Le Parnasse et la Délivrance de Saint-Pierre sont des dessus de porte ou de fenêtre, et leur place leur impose leur forme. Ces peintures ne sont pas plaquées sur l’édifice, elles en font partie, elles le revêtent comme la peau revêt le corps. Pourquoi, appartenant à l’architecture, ne seraient-elles point architecturales ? Il y a une logique intérieure dans ces grandes œuvres ; c’est à moi d’oublier mon éducation moderne pour la chercher.

Aujourd’hui nous voyons les tableaux à l’exposition, et chacun d’eux existe pour lui-même : dans la pensée de l’artiste, il est complet par soi, on l’accrochera n’importe à quel panneau, ce n’est pas son affaire. Le peintre a découpé dans la nature ou dans l’histoire un paysage ou une scène ; que le morceau soit intéressant, voilà son premier objet : il agit ici comme un romancier ou un écrivain de théâtre ; c’est un dialogue qu’il a seul à seul avec nous. Il est tenu d’être véridique et dramatique :