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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/192

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de la vie corporelle, le sentiment et le culte de la forme humaine apparaissent une seconde fois.

Toute la peinture italienne roule sur cette idée : elle a retrouvé le corps nu ; le reste n’est que préparation, développement, variété, altération ou décadence. Les uns, comme les Vénitiens, y mettent le grand mouvement libre, la magnificence et la volupté ; d’autres, comme Corrége, y sentent la grâce délicieuse et riante ; d’autres, comme les Bolonais, l’intérêt dramatique ; d’autres encore, comme le Caravage, la vérité crue et saisissante : en somme, il ne s’agit jamais pour eux que de la vérité, de la grâce, du mouvement, de la volupté, de la magnificence du beau corps, nu ou drapé, qui lève une jambe ou un bras. S’il y a des groupes, c’est pour compléter la même idée, opposer un corps à un corps, équilibrer une sensation par une sensation semblable. Quand viendront les paysages, ce ne seront que des fonds et des accompagnements ; ils sont subordonnés, comme aussi l’expression morale du visage ou la vérité historique du tableau. Vous intéressez-vous au gonflement des muscles qui soulèvent une épaule, et par contre-coup arc-boutent le tronc sur la cuisse opposée ? C’est dans cette enceinte fermée et limitée que les grands artistes de ce temps-là ont pensé, et Raphaël se trouve au centre.

Cela devient encore bien plus visible quand on lit leurs vies dans Vasari. Ce sont des ouvriers qui ont des apprentis et fabriquent. L’élève ne passe pas par le collège ; il ne se remplit pas de littérature et d’idées générales ; il va tout d’abord à l’atelier et travaille. Le personnage habillé ou nu, telle est la forme dans laquelle se moulent tous ses sentiments. Raphaël a la même édu-