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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/217

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tous, tant citoyens qu’étrangers, prirent les armes, parce qu’on affirmait comme chose certaine que le pape Innocent VIII était mort. » Le lien si faible de la société se rompait, on rentrait dans l’état sauvage, chacun profitait du moment pour se débarrasser de ses ennemis. Et ne croyez pas qu’en temps ordinaire on s’abstînt d’y toucher. Les guerres privées des Colonna et des Orsini s’étalent autour de Rome aussi librement qu’aux plus noirs siècles du moyen âge. « Dans la ville même, il se faisait beaucoup de meurtres et de pillages le jour et la nuit, et il se passait à peine un jour que quelqu’un ne fût tué… Le troisième jour de septembre, un certain Salvator assaillit son ennemi, le seigneur Beneaccaduto, avec qui pourtant il était en paix sous une caution de 500 ducats ; il le frappa de deux coups et le blessa mortellement, en sorte qu’il mourut. Et le quatrième jour le pape envoya son vice-camérier, avec les conservateurs et tout le peuple, pour détruire la maison de Salvator. Ils la détruisirent, et le même quatrième jour de septembre, Jérôme, frère dudit Salvator, fut pendu. » Je citerais cinquante exemples semblables. À ce moment, l’homme est trop fort, trop habitué à se faire justice à lui-même, trop prompt aux voies de fait. « Un jour, dit Guichardin, Trivulce tua de sa propre main, dans le marché, quelques bouchers qui, avec l’insolence ordinaire aux gens de cette sorte, s’opposaient à la levée des droits dont ils n’avaient pas été exemptés. » Jusqu’en 1537 on laissa ouvert à Ferrare un champ clos où le duel à mort était accordé même aux étrangers, et où les petits garçons venaient se battre à coups de couteau. La princesse de Faenza lance quatre assassins contre son mari, et, voyant qu’il résiste, saute du lit