Aller au contenu

Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nellement dans le coin d’une chapelle, levant leur doigt maigre, sont tout ce qui subsiste d’une chaude vie frémissante, qui s’est brûlée avec des flamboiements et des éclairs aux yeux du monde, pour ne laisser d’elle-même qu’un petit tas de cendres. Nos églises de France n’ont pas cette pompe mortuaire. Dans ce cimetière de marbre, parmi ces magnificences et ces menaces, devant ces chapelles aussi brillantes que l’agate et parées d’os en sautoir, devant ces statues de saints imposants et ces crânes de cuivre qui luisent incrustés dans la pierre, on est ébloui et on a peur. C’est avec des décorations riches et des dénouements meurtriers que nos théâtres populaires prennent le peuple.

Le procédé est bien plus visible encore chez les capucins de la place Barberini. Nous avons rencontré en arrivant un enterrement qui passait ; par derrière marchait une procession de moines blancs, des cierges à la main, et leurs yeux noirs luisaient, seuls vivants, à travers leurs cagoules. Une seconde file suivait, celle des capucins, quelques-uns à barbe grise, la tète toute blanche, roulant dans leurs mains les grains de leur chapelet et chantant je ne sais quelle psalmodie lugubre. Nous en voyons de pareils à l’Opéra, où ils font rire. Ici le sérieux de la mort vous prend à la gorge.

Nous sommes entrés dans leur couvent, qui est médiocre. La longue arcade intérieure est tapissée de mauvais portraits de moines avec des inscriptions en vers sur la mort, toutes édifiantes, c’est-à-dire terrifiantes. Ces pauvres gens, presque tous d’âge mûr, inutiles, sans parents, sans amis, ayant employé leur vie à s’éteindre, font peine à voir. Sur les murs sont des imprimés indiquant les prières et stations de la semaine