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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/358

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rois d’une chambre antique apparaissent sur le bord de la route, dans les lianes d’un escarpement. Au sommet est un petit théâtre où gisent des fragments de colonnes. Cette montagne dévastée, peuplée par places de genêts et d’arbrisseaux épineux, le plus souvent nue, où des rocs cassés crèvent la maigre enveloppe de terre, est elle-même une grande ruine. L’homme a été là, il a disparu ; c’est l’aspect d’un cimetière. Au sommet est une croix sur un tas de moellons noircis ; le vent souille et chante une psalmodie lugubre. Les montagnes du midi, toutes rousses d’arbres qui ne verdissent pas encore, le promontoire morne du Mont-Cavi, la file des hauteurs désolées sous leur chevelure ébouriffée d’herbes jaunâtres, tout en bas la campagne romaine, fauve sous son linceul de nuages déchirés, semblent un champ mortuaire.

Dans les forêts arrosées qu’on traverse à la descente fleurissent des anémones blanches et violettes, des pervenches d’un azur tendre et charmant. Un peu plus loin, l’abbaye de Grotta-Ferrata, avec ses créneaux du moyen âge, avec ses vieilles arcades de colonnes élégantes, avec ses fresques sobres et sérieuses du Dominiquin, retire un peu l’esprit de ces rêves funèbres. Au retour, à Frascati, le bruit des eaux courantes, les têtes fleuries des amandiers et des aubépines dans le creux vert de la montagne, l’éclat des jeunes blés qui lèvent, réjouissent le cœur par une apparence de printemps. Le ciel s’est épuré, le délicieux azur s’est montré, parsemé de petits nuages blancs qui planent comme des colombes ; tout le long du chemin, les arcs ronds des aqueducs se développent noblement dans la lumière.

El pourtant, même sous ce soleil, toutes ces ruines