Aller au contenu

Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/399

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par la vitesse acquise, et qui n’agissent que par l’inertie naturelle de la matière humaine. Voici maintenant les forces actives, c’est-à-dire incessamment renouvelées par des impulsions nouvelles. En premier lieu, le catholicisme possède une Église monarchique savamment organisée, la plus puissante machine administrative qui fut jamais, recrutée par en haut, subsistante par elle-même, soustraite à l’intervention des laïques, sorte de gendarmerie morale qui fonctionne à côté des gouvernements pour maintenir l’obéissance et l’ordre. À ce titre, et comme en outre par son fonds il est ascétique, c’est-à-dire hostile au plaisir sensible, il peut être considéré comme un frein excellent contre l’esprit de révolte et les convoitises sensuelles. C’est pourquoi toute société menacée par une théorie comme le socialisme ou par des passions avides comme celles de la démocratie contemporaine, tout gouvernement absolu ou fortement centralisé le soutient pour s’appuyer sur lui. Plus le déclassement des hommes est universel et rapide, plus les appétits et les ambitions s’exaltent, plus le tourbillonnement par lequel les couches d’en bas tâchent de déplacer les couches d’en haut est désordonné et alarmant, plus aussi l’Église semble salutaire et protectrice. Plus un peuple est disciplinable comme la France, enclin ou obligé, comme la France et l’Autriche, à remettre sa conduite aux mains d’une autorité extérieure, plus il est catholique. Sans doute l’établissement des gouvernements parlementaires ou républicains, l’émancipation et l’initiative de l’individu travaillent dans un sens contraire ; mais il n’est pas sûr que l’Europe marche vers cette forme de société, du moins qu’elle y marche tout entière. Si la France con-