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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/401

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met aujourd’hui en lumière la mansuétude et la bonté divines, que le dogme et le sentiment de l’amour sont arrivés au premier rang, que la dignité infinie répandue sur la personne de Marie offre enfin aux fidèles l’autel où pourront délicieusement s’épancher toutes les délicatesses de l’adoration. Voilà une poésie féminine et sentimentale ; joignez-y celle du culte ; à tous les tournants de siècle, à l’époque des grandes dissolutions de doctrines, ces deux poésies recueillent les esprits découragés, exaltés ou malades. Depuis la chute de la civilisation antique, un grand dérangement s’est fait dans la machine humaine ; l’équilibre primitif des races saines, tel que l’entretenait la vie gymnastique, a disparu. L’homme est devenu plus sensible, et l’énorme augmentation récente de la sécurité et du bien-être n’a fait qu’accroître son mécontentement, ses exigences et ses prétentions. Plus il a, plus il souhaite ; non-seulement ses désirs dépassent sa puissance, mais encore la vague aspiration de son cœur l’emporte au delà des convoitises de ses sens, des rêves de son imagination et des curiosités de son esprit. C’est l’au-delà qu’il désire, et le tumulte fiévreux des capitales, les excitations de la littérature, l’exagération de la vie sédentaire, artificielle et cérébrale, ne font qu’irriter la souffrance de son désir inassouvi. Depuis quatre-vingts ans, la musique et la poésie s’emploient à étaler la maladie du siècle, et l’encombrement des connaissances, la surcharge de travail, l’immensité de l’effort que comportent la science et la démocratie modernes, semblent plutôt faits pour exaspérer la plaie que pour la guérir. À des âmes si fatiguées et si avides, le charmant quiétisme peut quelquefois sembler un refuge ; nous nous