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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/41

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blent vivantes. Ce sont aussi des êtres calmes, mais en outre beaux et simples comme des éphèbes grecs. Leur tête ionienne porte un ornement de chevelure, et la lune pose un reflet sur le poli de leur corps de marbre.



De Rome à Naples.


Un long aqueduc sur la droite ; de loin en loin à l’horizon une ruine ; çà et là sur le passage une arche isolée, tombante, et à perte de vue tout alentour la plaine jaunâtre et verdâtre, onduleuse, sous un vieux tapis d’herbes flétries que la pluie lave et que le vent ébouriffe. Les nues grises et violacées pendent lourdement sur le ciel, et la fumée de la machine roule des ondes blanches qui vont se mêler aux nuages. Mille après mille, l’aqueduc monotone reparaît comme une digue de rochers dans une mer d’herbes mouvantes. Vers l’orient, des montagnes noirâtres se hérissent, à demi blanchies par les neiges ; vers le couchant s’étend une campagne cultivée, avec les petites têtes et les mille tiges fines des arbres à fruit dépouillés ; un ruisseau jaune y fraye sa route en ravinant les terres.

Tout cela est triste, et les stations le sont encore davantage. Ce sont de misérables cabanes en bois où l’on allume un feu de fagots pour réchauffer les voyageurs. Quelques mendiants, de jeunes garçons se pressent à l’entrée, implorant une baïoque, une demi-baïoque, une pauvre petite demi-baïoque pour l’amour de Dieu, et de la madone, et de saint Joseph, et de tous les saints du paradis, avec l’insistance, l’âpreté et les petits cris tendres ou violents de chiens qui voient un os et n’ont