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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/76

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Presque partout, au centre de la maison, est un jardin grand comme un salon, au milieu un bassin de marbre blanc avec une fontaine jaillissante, à l’entour un portique de colonnes. Quoi de plus charmant et de plus simple, de mieux choisi pour passer les heures chaudes du jour ? Les feuilles vertes entre les colonnes blanches, les tuiles rouges sur le bleu du ciel, cette eau murmurante qui chatoie vaguement parmi les fleurs, cette gerbe de perles liquides, ces ombres des portiques tranchées par la puissante lumière, y a-t-il un meilleur endroit pour laisser vivre son corps, pour rêver sainement et jouir, sans apprêt ni raffinement, de ce qu’il y a de plus beau dans la nature et dans la vie ? Quelques-unes de ces fontaines portent des têtes de lion, des petites statues gaies, des enfants, des lézards, des lévriers, des faunes, qui courent sur la margelle. Dans la plus vaste de toutes ces maisons, celle de Diomède, des orangers, des citronniers, semblables probablement à ceux d’autrefois, font briller leurs pousses vertes ; un vivier luit, une petite colonnade enferme une salle à manger d’été ; tout cela s’ordonne dans l’enceinte carrée d’un grand portique. Plus on essaye de reformer ces mœurs dans son imagination, plus elles semblent belles, conformes au climat, conformes à la nature humaine. Les femmes avaient leur gynécée dans le fond, derrière la cour et le portique, asile fermé, sans vue sur le dehors, séparé de la vue publique. Elles ne remuaient pas beaucoup dans ces étroites salles ; elles y reposaient paresseusement, en Italiennes, ou travaillaient aux ouvrages de laine, attendant que leur père ou leur mari eût quitté les affaires et la conversation des hommes. Elles suivaient vaguement des yeux sur