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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/96

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qui dix fois, à la prise d’un bourg ou d’une ville, pillent, violent, tuent, usent de la guerre en sauvages. — La garde nationale, les gens aisés sont partout contre eux. — Mon hôtesse à Sorrente disait : « Ici et aux environs, il y a trois piémontais pour un bourbonien ; mais tout en bas, dans le midi, il y a trois bourboniens pour un piémontais. » Tout cela s’accorde.


Autre conversation à Castellamare, cette fois avec un sous-officier retraité. Celui-ci est un énergumène, et parle avec la verve d’un convertisseur. Il dit que les prêtres sont les auteurs de tout le mal, qu’en France ils sont religieux et honnêtes, mais qu’ici ils sont voleurs et assassins, que le foyer de la conspiration est à Rome. Il cite le fameux général Manhès, qui, sous Murat, pour affamer les brigands, défendait, sous peine de mort, de porter un morceau de pain hors de la ville. Un prêtre étant sorti avec l’hostie pour un mourant, il le fit fusiller, col santissimo nella mano. Il me conduit jusqu’à une chapelle célèbre, et au moment d’entrer hausse les épaules d’une façon significative. N’est-il pas curieux, après soixante-dix ans, de retrouver des jacobins ?

Plus je lis de journaux et plus je cause, plus je trouve la ressemblance frappante. Nous aussi, nous n’avions d’abord qu’une bourgeoisie libérale ; il a fallu la vente des biens nationaux et l’invasion étrangère pour rallier nos paysans à la Révolution. — Nous aussi, nous avons combattu une insurrection intestine et vu traîner une guerre civile dans la portion la plus ignorante et la plus religieuse du pays. — Nous aussi, nous avons improvisé des écoles, une garde nationale, une armée, une