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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/111

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main qui étoit à la cour, disoit que c’étoit justement un viso di Cazzo[1]. M. d’Aumont disoit qu’il croyoit qu’en relevant la moustache du cardinal La Valette, on lui relevoit aussi les lèvres, tant il les avoit grosses. Ce cardinal étoit galant, libéral, et avoit beaucoup d’esprit. Il étoit enjoué, jusqu’à se mettre sous un lit en badinant avec des enfants ; cela lui est arrivé bien des fois à l’hôtel de Rambouillet. Mais il étoit quelquefois un peu emporté, et une fois il alla dire le diable, en présence de madame la Princesse, des femmes qui faisoient l’amour. Il disoit, car il avoit l’esprit délicat et n’étoit pas ignorant, que le cardinal de Richelieu avoit des galanteries de pédant ; et sa plus grande joie étoit de venir en rire avec madame de Rambouillet, en qui il avoit une confiance entière. Le cardinal de Richelieu vivoit avec lui tout autrement qu’avec les autres, car il lui avoit, comme nous dirons ensuite, la plus grande obligation qu’on puisse avoir à un homme. Il le traitoit civilement et respectueusement ; et comme M. de La Valette n’avoit rien dans la tête que la guerre, il le satisfaisoit en cela. Ce cardinal étoit brave, mais il ne savoit point la guerre. M. de Montmorency donnoit aussi beaucoup à madame la

    France et gouverneur de Bretagne pour avoir arrêté M. le Prince : « Non ho mai visto sbirro cosi ben pagato. » Comme on lui demandoit s’il ne trouvoit pas que madame la Princesse et madame de Guémenée étoient des personnes admirables ? : Sono bellissime, dit-il, ma quel Pontgibault è un bel cavaliere. On parlera ailleurs de Pontgibault. (T.)

  1. C’est une injure d’Italie, comme visage de bois flotté ici. (T.) « On dit par injure à une personne que c’est un plaisant visage, un visage de bois flotté, un visage de cuir bouilli, un visage à étui, quand il est noir, rude, couperosé. » (Dict. de Trévoux.)