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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/20

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étant mestre-de-camp du régiment des gardes, de tuer M. de Guise ; et quand M. de Guise le fils, étant gouverneur de Provence, s’avisa à Marseille de faire donner une fausse alarme, et de lui venir dire : « Les ennemis ont repris la ville ; » Crillon ne s’ébranla point, et dit : « Marchons ; il faut mourir en gens de cœur. » M. de Guise lui avoua après qu’il avoit fait cette malice pour voir s’il étoit vrai que Crillon n’eût jamais peur. Crillon lui répondit fortement : « Jeune homme, s’il me fût arrivé de témoigner la moindre foiblesse, je vous eusse poignardé. »

Quand M. du Perron, alors évêque d’Évreux, en instruisant le Roi, voulut lui parler du purgatoire : « Ne touchez point cela, dit-il, c’est le pain des moines. »

Cela me fait souvenir d’un médecin de M. de Créqui, qui, à l’ambassade de son maître à Rome, comme quelqu’un au Vatican demandoit où étoit la cuisine du pape, dit en riant que c’étoit le purgatoire ; on le voulut mener à l’Inquisition ; mais on n’osa quand on sut à qui il étoit.

Arlequin et sa troupe vinrent à Paris en ce temps-là, et quand il alla saluer le Roi, il prit si bien son temps, car il étoit fort dispos, que Sa Majesté s’étant levée de son siége, il s’en empara, et comme si le Roi eût été Arlequin : « Eh bien ! Arlequin, lui dit-il, vous êtes venu ici avec votre troupe pour me divertir ; j’en suis bien aise, je vous promets de vous protéger et de vous donner tant de pension. » Le Roi ne l’osa dédire de rien, mais il lui dit : « Holà ! il y a assez long-temps que vous faites mon personnage ; laissez-le-moi faire à cette heure. »