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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/22

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avec M. de Nevers, et lui montrant son bâtiment : « Mon neveu, lui dit-il, j’irai loger chez vous, quand votre maison sera achevée. » Cette parole du Roi, et peut-être aussi le manque d’argent, firent arrêter l’ouvrage.

Un jour qu’il se trouva beaucoup de cheveux blancs : « En vérité, dit-il, ce sont les harangues que l’on m’a faites depuis mon avénement à la couronne, qui m’ont fait blanchir comme vous voyez. »

Il dit à sa sœur, depuis madame de Bar, la voyant rêveuse : « Ma sœur, de quoi vous avisez-vous d’être triste ? nous avons tout sujet de louer Dieu, nos affaires sont au meilleur état du monde. — Oui, pour vous, lui dit-elle, qui avez votre conte, mais pour moi, je n’ai pas le mien[1]. »

Elle fit danser une fois un ballet dont toutes les figures faisoient les lettres du nom du Roi. « Eh bien ! Sire, lui dit-elle après, n’avez-vous pas remarqué comme ces figures composoient bien toutes les lettres du nom de Votre Majesté ? — Ah ! ma sœur, lui dit-il, ou vous n’écrivez guère bien, ou nous ne savons guère bien lire : personne ne s’est aperçu de ce que vous dites. »

À propos du comte de Soissons, j’ai ouï dire que comme il se sauvoit de Nantes, conduit par un blanchisseur dont il faisoit le garçon, il alla, car il marchoit fort mal à pied, choquer M. de Mercœur qui par hasard passoit dans la rue. Le blanchisseur lui

  1. Le comte de Soissons. (T.) Madame, sœur du roi, avoit été recherchée par le comte de Soissons ; mais Henri IV ne voulut jamais consentir à ce mariage. Dans le seizième siècle, et même encore dans le dix-septième, on écrivoit indifféremment conte ou compte.