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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/241

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ROCHER PORTAIL.


Rocher Portail s’appeloit en son nom Gilles Ruelland ; il étoit natif d’Antrain, village distant de six lieues de Saint-Malo. Il servoit un nommé Ferrière, marchand de toiles à faire des voiles de navires[1], et ne faisoit autre chose que de conduire deux chevaux qui portoient ces voiles à une veuve de Saint-Malo, associée à Ferrière.

Il disoit que la première fois qu’il mit des souliers à ses pieds (il avoit pourtant de l’âge), il en étoit si embarrassé qu’il ne savoit comment marcher. Comme il étoit naturellement ménager, il épargnoit toujours quelque chose, et son maître ayant pris une sous-ferme des impôts et billons de quelque partie de l’évêché de Saint-Malo, lui et quelques-uns de ses camarades sous-affermèrent quelques hameaux. Il n’avoit garde de se tromper, car il savoit, à une pinte près, ce qu’on buvoit en chaque village de cette sous-ferme, soit de cidre, soit de vin.

Son maître vint à mourir. Lui se maria en ce temps-là avec la fille d’une fruitière de Fougères, femme-de-chambre de madame d’Antrain. La veuve associée de

  1. On appelle ces toiles de la noyale. (T.) Elles prennent leur nom de Noyal-sur-Vilaine, bourg situé auprès de Vitré, où on les fabrique.