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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/25

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son maître[1]. D’ailleurs il ne se crut pas assez bien récompensé. On trouva pourtant que Henri IV, dans la lettre qu’il écrivit à la reine Élisabeth, quand il lui envoya le maréchal de Biron, l’appeloit « le plus tranchant instrument de ses victoires, » et après sa mort il témoigna assez le cas qu’il en faisoit, quand la mère de feu M. le Prince dit qu’elle vouloit aller à Bruxelles pour être aimée de Spinola, qu’elle appeloit le Biron de la Flandre, comme elle l’avoit été du Biron de la France, car il ne put souffrir cette comparaison, et dit qu’on faisoit grand tort au maréchal de mettre ce marchand en parallèle avec lui.

Il n’étoit pas ignorant, et on dit que Henri IV étant à Fresnes, demanda l’explication d’un vers grec qui étoit dans la galerie. Quelques maîtres des requêtes, qui par malheur se trouvèrent là, ne firent pas semblant d’entendre ce que Sa Majesté disoit ; le maréchal en passant dit ce que le vers vouloit dire et s’enfuit, tant il avoit honte d’en savoir plus que des gens de robe ; car, pour s’accommoder au siècle, il falloit avoir plutôt la réputation de brutal que celle d’homme qui avoit connoissance des bonnes lettres[2]. À la ba-

    faite, que tu ailles planter des choux en ta maison, autrement il te faudra perdre la tête en Grève. »

  1. Il étoit difficile à contenter, celui dont Henri avoit dit : « Voilà le maréchal de Biron que je présente, avec un égal succès, à mes amis et à mes ennemis. »
  2. Est-ce à la fausse honte, à la dissimulation de Biron sur ce point, qu’il faut attribuer le crédit qu’a trouvé généralement parmi les contemporains du maréchal l’opinion toute contraire à celle que Tallemant exprime ici ? « Je ne puis m’empêcher de remarquer, dit Sully, à l’avantage des lettres, qu’autant que le maréchal de Biron le père avoit de lecture et d’érudition, autant le fils en avoit peu. À peine savoit-il lire. »