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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/274

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portoit une grande barbe. Il dit qu’il ressembloit à Dieu le Père, quand il étoit jeune.

Il avoit été fort galant. Une fois sa belle-sœur, madame de Chappes, le trouva déguisé en Minime sur le chemin de Picardie ; elle le reconnut, parce qu’il étoit admirablement bien à cheval et que son cheval étoit trop beau. Il alloit en Flandre voir une dame. Sur ses vieux jours, il étoit plus ajusté qu’un galant de vingt ans. Il se peignoit la barbe, et il étoit si curieux d’être bien botté qu’il se tenoit les pieds dans l’eau pour se pouvoir botter plus étroit. C’étoit de ce temps que tout le monde étoit botté ; on dit qu’un Espagnol vint ici et s’en retourna aussitôt. Comme on lui demandoit des nouvelles de Paris, il dit : « J’y ai vu bien des gens, mais je crois qu’il n’y a plus personne à cette heure, car ils étoient tous bottés, et je pense qu’ils étoient prêts à partir. » Maintenant tout le monde n’a plus que des souliers, non pas même des bottines. Il n’y a plus que La Mothe-Le-Vayer[1], précepteur de M. d’Anjou, qui ait tantôt des bottes, tantôt des bottines ; mais ce n’a jamais été un homme comme les autres.

M. d’Aumont avoit épousé une fille de Maintenon, de la maison d’Angennes[2], cousine-germaine de M. le marquis de Rambouillet. Il n’en a point eu d’enfants. Cette madame d’Aumont est une honnête femme, mais fort aigre. Après la mort de son mari, elle se piqua

  1. François de La Mothe-le-Vayer, membre de l’Académie française, mourut à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, en 1672. On a de lui un grand nombre d’ouvrages, dont plusieurs jouissent d’une estime méritée.
  2. Louise-Isabelle d’Angennes-Maintenon, veuve d’Aumont, mourut en 1666, à l’âge de soixante-dix-neuf ans.