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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/289

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LE COMTE DE VILLA-MEDINA.


Le comte de Villa-Medina, de la maison de Taxis, étoit général des postes d’Espagne[1]. Cette charge y est tenue par des gens de qualité, et vaut cent mille écus de rente. C’étoit un homme bien fait, galant, libéral, vaillant et spirituel. Il écrivoit même en vers et en prose, mais c’étoit l’un des hommes du monde les plus emportés en amour. Durant la faveur du duc de Lerme, du vivant de Philippe III, père du Roi qui règne aujourd’hui[2], il devint amoureux d’une dame de la cour, et il avoit pour rival le duc d’Uceda, fils du favori. Un jour il prit une telle jalousie de ce que cette dame avoit parlé à son rival durant la comédie chez le Roi, qu’au sortir il se mit dans son carrosse et la battit jusqu’à lui en laisser des marques. Non content de cela, il lui ôta des pendants de grand prix et des perles qu’il disoit lui avoir donnés. Il fit bien pis, car, en plein théâtre public, il donna ces pendants et ces perles à une comédienne nommée Gentilezza, grande courtisane, en lui disant : « Tiens, Gentilezza, je les viens d’ôter à une telle, la plus grande p..... de Madrid, pour

  1. Les Taxis sont généraux des postes aussi dans les États de l’Empereur. (T.)
  2. Philippe IV.