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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/32

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Pisani qu’il ait à sortir de ses terres dans trois jours, et cela, sans attendre les lettres du Roi. Le marquis répondit qu’il trouvoit l’ordre du pape bien extraordinaire et bien violent ; qu’il ne se soucioit guère de savoir quel sujet avoit mu le pape à le traiter de la sorte, mais qu’il vouloit qu’il sût qu’il abrégeoit de deux jours le temps que le pape lui donnoit, et que l’étendue de ses terres n’étoit pas si grande qu’il n’en pût commodément sortir en moins de vingt-quatre heures. M. de Thou dit qu’il rendit trois jours au pape. Le Roi ne vouloit pas que l’archevêque de Nazareth, qui étoit gagné par les Guisards, vînt légat en France. L’affaire s’accommoda, et puis le marquis revint. Il avoit offert au Roi d’enlever le pape par une porte secrète qui étoit au bout d’une galerie du Vatican, où le saint Père avoit accoutumé de se promener seul. Le pape disoit qu’il voudroit M. de Pisani pour sujet, mais qu’il ne le vouloit point pour ambassadeur. Il lui a dit plusieurs fois : « Plût à Dieu que votre maître eût autant de courage que vous ! nous ferions bien nos affaires. » Il entendoit le dessein qu’il avoit de chasser les Espagnols du royaume de Naples, et c’est à quoi il vouloit employer cette grande quantité d’argent qu’il amassoit. Le roi d’Espagne en avoit été averti ; c’est pourquoi il envoya exprès un ambassadeur à Rome pour le sommer de contribuer à la guerre contre les hérétiques de France. Mais le pape fit dire à l’ambassadeur qu’il lui feroit couper la tête s’il lui faisoit une semblable sommation ; sur quoi l’ambassadeur n’osa passer outre. Ce même pape disoit au marquis de Pisani qu’il n’y avoit qu’un homme et qu’une femme en Europe qui méritassent de commander, mais qu’ils étoient tous deux héré-