Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/328

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fils aîné du maréchal de Châtillon, qui commandoit alors le régiment de son père, et ce soldat étoit de ce régiment. Cela lui sembla plaisant ; il l’alla conter au prince d’Orange[1], qui, après en avoir bien ri, fit grâce à ce soldat, qui avoit si bonne envie de vivre.

On conte qu’un autre soldat qui servoit aussi les États, ayant été condamné à être pendu, fit demander au même prince d’Orange qu’il lui fût permis de faire publier par toutes les troupes que s’il y avoit quelqu’un qui voulût être pendu pour lui, il lui donneroit quatre cents écus qu’il avoit. La proposition sembla si extravagante, que, pour en rire, on ne voulut pas refuser ce qu’il demandoit ; mais on fut bien surpris quand un vieux soldat anglois se présenta pour être pendu au lieu de l’autre. Le prince d’Orange lui demanda de quoi il s’avisoit. Le soldat lui dit que depuis trente ou quarante ans qu’il servoit messieurs les États, il n’en étoit pas plus à son aise ; qu’il avoit une femme et des enfants, et que, s’il venoit à être tué, il ne leur laisseroit rien ; au lieu que, s’il étoit pendu pour cet autre, il leur laisseroit quatre cents écus pour leur aider à vivre. Le prince fut touché de cet excès d’amour paternel. Il donna la vie au criminel, à condition qu’il laisseroit les quatre cents écus à ce vieux soldat, qui gagna par cette générosité de l’argent et de l’estime.

Les Anglois sont fort sujets à se pendre. Un homme à Londres se laissa gagner par un créancier d’un de ses amis qui avoit une prise de corps contre son débiteur, mais ce débiteur ne sortoit point de chez lui. Que fait cet homme ? Pour le faire sortir, il s’avise de

  1. Henri, père du dernier mort. (T.)