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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/348

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LE CARDINAL DE RICHELIEU[1].


Le père du cardinal de Richelieu étoit fort bon gentilhomme. Il fut grand prévôt de l’hôtel et chevalier de l’Ordre ; mais il embrouilla furieusement sa maison. Il eut trois fils et deux filles ; l’aînée fut mariée à un gentilhomme de Poitou, nommé René de Vignerot, seigneur de Pont-Courlay, qui étoit un homme dubiæ nobilitatis. Il se poussoit pourtant à la cour, et étoit toujours avec les grands seigneurs. Il jouoit avec M. de Créqui et M. de Bassompierre. L’autre épousa Urbain de Maillé, marquis de Brézé, depuis maréchal de France. L’aîné des garçons étoit un homme bien fait et qui ne manquoit pas d’esprit. Il avoit de l’ambition et vouloit plus dépenser qu’il ne pouvoit. Il affectoit de passer pour un des dix-sept seigneurs. En ce temps-là on appela ainsi les dix-sept de la cour qui paroissoient le plus. On dit que sa femme, comme un tailleur lui demandoit de quelle façon il lui feroit une robe : « Faites-la, dit-elle, comme pour la femme d’un des dix-sept seigneurs. » Mais, quoiqu’il fît fort le seigneur, et qu’effectivement il fût de bonne naissance, il ne passoit pas pourtant pour un homme de qualité. C’est ce qui est cause que le cardinal de Richelieu a eu tant de foiblesses sur sa noblesse et sur

  1. Armand-Jean Du Plessis, cardinal, duc de Richelieu, né à Paris le 5 septembre 1585, mort dans cette ville le 4 décembre 1642.