Aller au contenu

Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commandoit les mousquetaires à cheval que le Roi avoit mis sur pied pour en être accompagné partout, à la chasse et ailleurs, et il en choisissoit lui-même les soldats. On y a vu des fils de M. le duc d’Uzès. On faisoit sa cour par ce moyen-là. Tréville est un Béarnais, soldat de fortune. Le cardinal avoit gagné sa cuisinière ; on dit qu’elle avoit quatre cents livres de pension. Le cardinal ne vouloit point laisser auprès du Roi un homme en qui le Roi avoit tant de confiance. M. de Chavigny fut, de la part du cardinal, presser le Roi de le chasser. Le Roi bien humblement lui dit : « Mais, monsieur de Chavigny, que l’on considère que l’on me perd de réputation, que Tréville m’a bien servi, qu’il en porte des marques, qu’il est fidèle. — Mais, Sire, dit M. de Chavigny, vous devez aussi considérer que M. le cardinal vous a bien servi, qu’il est fidèle, qu’il est nécessaire à votre État, et que vous ne devez point mettre Tréville et lui dans la balance. — Quoi, monsieur de Chavigny, dit le cardinal à qui il faisoit ce rapport, vous n’avez pas plus pressé le Roi que cela ? vous ne lui avez pas dit qu’il le falloit ? La tête vous a tourné, monsieur de Chavigny, la tête vous a tourné. » Chavigny ensuite lui jura qu’il avoit dit au Roi : « Sire, il faut que vous le fassiez. » Le cardinal savoit bien à qui il avoit affaire. Le Roi craignoit le fardeau, et de plus il avoit peur que le cardinal, qui tenoit presque toutes les places, ne lui fît un méchant tour ; enfin il fallut chasser Tréville.

L’Éminentissime croyoit revenir de sa maladie ; toutes les déclarations contre M. d’Orléans en sont une marque. Il le haïssoit et le méprisoit, et il le vouloit faire déclarer incapable de la couronne, afin que