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Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/81

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Bonne, tant il m’a causé de mal et d’ennui. » Un des assistants lui demanda pourquoi il parloit ainsi ; cet homme lui raconta toute l’histoire de la jument. Celui qui lui avoit fait cette demande étoit un des domestiques de M. de Lesdiguières, et le soir même il lui en fit le conte ; car le connétable avoit, dit-on, cette coutume, qu’il vouloit voir tous ses domestiques avant de se coucher, et quelquefois il s’entretenoit familièrement avec eux. Ayant su cette aventure, il commanda à cet homme de lui amener le lendemain le pauvre hôtelier, qui, bien étonné, et intimidé exprès par son conducteur, se vint jeter aux pieds de M. de Lesdiguières, lui demandant pardon de ce qu’il avoit dit de lui ; mais lui, n’en faisant que rire, le releva, et pendant qu’il l’entretenoit du temps passé, on fit venir la partie adverse, avec laquelle il s’accorda sur-le-champ, et donna même quelque récompense à ce bon homme.

M. le connétable aimoit à se souvenir de sa première fortune, et on en voit aujourd’hui une grande marque, en ce qu’ayant fait bâtir un superbe palais à Lesdiguières, il prit plaisir à laisser tout auprès, en son entier, la petite maison où il étoit né, et que son père avoit habitée.

Pour venir à madame la connétable de Lesdiguières, sa femme, qui est morte il n’y a pas long-temps, elle s’appeloit Marie Vignon, et étoit fille d’un fourreur de Grenoble. Elle fut mariée à un marchand drapier de la même ville, nommé sire Aymon Mathel, dont elle eut deux filles. C’étoit une assez belle personne, mais il n’y avoit rien d’extraordinaire. Son premier galant fut un nommé Roux, secrétaire de la cour de parle-