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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/127

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neutralisation totale ou partielle des efforts de la première, empêche celle-ci d’envahir tout. À cela servent les batailles, à défendre les nations. En apparence, elles servent aussi à les étendre, mais, en réalité, c’est malgré elles que cette extension a lieu. Elle serait bien plus rapide et plus complété, évidemment, si le peuple envahi se laissait soumettre sans résistance, sans opposition. Ce n’est point le heurtement des bataillons, c’est le rapprochement et l’entrelacement des divers génies nationaux, en littérature, en art, en industrie, en religion, qui opéré les combinaisons vraiment fructueuses des nations et les fait collaborer mutuellement à la réalisation de leur idéal devenu commun. Les divers peuples européens ne sont-ils pas des variétés, des nuances légères d’une même race ou de races très voisines, et leur contact journalier n’est-il pas bien autrement fécond que ne l’est leur choc belliqueux soit entre eux, soit avec les tribus océaniennes ou les peuplades africaines ? Ce n’est point la guerre, opposition d’armées hostiles, c’est l’Invention, rencontre et mutuel emploi de courants d’idées différentes, non contraires, dans un cerveau génial, et c’est le Travail, invention vulgarisée, solidarité d’ouvriers, employés à des œuvres diverses, nullement opposées, en vue d’une œuvre supérieure et synthétique, qui fait marcher le monde social dans ses voies. Pareillement, le monde vivant n’avance point par le conflit des défauts organiques opposés ; il se maintient seulement ainsi dans son équilibre nécessaire et normal. Mais, comme toute chose, espèce ou individu, a son secret caché, son fond inexprimé et inexprimable, qu’elle cherche inépuisablement à répandre au dehors, son idéal enfin, forme fuyante et sans cesse