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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/135

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par amour de la symétrie extérieure, affecte de donner le même rang corporel à deux membres dont les fonctions ont une valeur si profondément inégale ?

Mais la symétrie bilatérale des organes de la locomotion, de la préhension et des sens s’explique par divers motifs qui concourent à justifier leur dualité. Sans doute, en ce qui concerne la locomotion, trois membres, presque aussi bien que quatre, et plus que deux, auraient permis d’obtenir l’équilibration des mouvements. Mais, puisque deux membres suffisaient, on comprend que ce nombre plus simple et plus commode ait eu la préférence. Ne voit-on pas dans nos rues le lourd tricycle, après avoir eu un instant de vogue, éliminé définitivement par la bicyclette ? Quant à l’étreinte et à l’embrassement des objets, il fallait deux membres, ni plus ni moins. Enfin, quoique un seul œil à la rigueur pût suffire à la vue, une seule oreille à l’ouïe, un seul hémisphère du cerveau à la pensée, on conviendra d’abord que, pour contrôler les renseignements si importants fournis par chacun de ces organes, un autre organe pareil n’était pas de trop, — en second lieu, que, dans le cas de la maladie ou de la fatigue de l’un d’eux, il était bon de le faire suppléer, — et enfin que, très souvent, l’opération simultanée des deux organes symétriques produit des effets qu’ils seraient incapables d’atteindre séparément, par exemple le sentiment vif du relief que procure la jonction des deux images visuelles. L’un des deux organes peut aussi servir simplement à renforcer, à corroborer l’action de l’autre ; et c’est sans doute le cas des hémisphères du cerveau, s’il est des facultés, comme par exemple celle du langage articulé, qui sont localisées dans l’un des deux.